«
Espace à saisir »
Du 15 juin au 7 juillet 2001
Festival de Théâtre Européen | Grenoble
Programmés dans le cadre du Festival de théâtre européen,
nous avons choisi d’explorer les usages de l’espace public,
de nous interroger sur le « découpage fonctionnel »
de la ville d’aujourd’hui (espaces verts, zones d’activités,
rues piétonnes, parkings…).
Du 15 au 30 juin, nous avons promené notre « coin-salon
» dans le centre ville de Grenoble. Autour de ce point de rencontre,
nous avons développé des performances et installations :
Une « cabine d'essayage du paysage », toile tendue horizontalement
à mi-hauteur dans une ruelle, monter sur un tabouret, passer sa
tête à travers un trou dans la toile et regarder la moitié
supérieure de la rue. Des « chaises à paysages »
avec carnet de notes. Une cabine en carton de l'intérieur de laquelle
on peut voir des détails de la rue par des petits trous. Un acteur
assis sur une chaise avec une pancarte : « parlez-moi ».
Diffusion de tracts, affichage. Nous avons recueilli des « mots
à perdre » avec une machine à écrire sur
des places publiques. Nous avons installé un coin-salon fluo dans
la « fête de la lumière », rue Cuvier, organisé
un karaoké square des fusillés, déposé des
caisses d’objets à glaner et échangé des objets
contre des mots sur un marché aux puces (…) Nous avons provoqué
des rencontres et de posé la question : « en quoi les
espaces inutiles rendent-ils la ville vivable ? » à
travers l'exemple d'une friche industrielle …
Du 3 au 6 juillet à 12 h 30 et 20 h 30, nous avons
entraîné les spectateurs dans un espace illégal. Par
arrêté municipal, la friche est devenue un chantier interdit
au public depuis que des travaux y ont commencé. Comment alors,
y amener des spectateurs, dans le cadre d'un festival officiel, plusieurs
jours d'affilée ? Le Mandrak – situé dans un ancien
bâtiment industriel en bordure de la friche – est une salle
de spectacle qui peut obtenir un agrément provisoire : nous décidons
que ce sera le lieu de convocation du public, pour un spectacle en salle…
À l'heure dite, après un sas, la « boite noire »
s’ouvrait : projeté dans la friche, en pleine lumière,
on « entrait à l'extérieur ». Un acteur/passeur
précisait au public l'aspect clandestin et illégal de la
visite, engageant la responsabilité des visiteurs. Plongé
dans un espace « hors temps », un de ces univers parallèles
dont la ville est constituée, le spectateur était convié
à une découverte du site, sans guide et généralement
plus gêné par cette « disponibilité encombrante
» que par la transgression de l'interdit (…) Une accumulation
d'interventions révéle la friche du spectaculaire au dérisoire.
Il s'agissait de se perdre, de perdre son temps : jardin botanique réaliste
et fantaisiste, cabane en paille d'un des trois petits cochons, chantier
de fouilles archéologique d'objets du site, simple promenade solitaire,
rencontre avec de vrais et faux habitants des lieux, inauguration de lieux
cachés, points de vue secrets (…) Seul ou en petits groupes,
la promenade a duré plusieurs heures pour certains. On pouvait
croiser un aristocrate vivant dans une halle jonchée de détritus
ou discuter avec une femme qui présentait un petit livre autobiographique
de « mémoires glanées sur le site Bouchayer-Viallet
». Ou encore, s’offrir un point de vue sur l'autoroute, s’asseoir
dans un « fauteuil sonorisé » caché dans les
buissons, et toujours, des « mots à perdre », des «
chaises à paysage » et des petits carnets. La possibilité
de discuter de l’avenir de la friche à l'atelier Friche(s)
à l'œuvre, acheter un souvenir à l'épicerie-bazar,
se chercher un coin à l'ombre pour un pique-nique postindustriel.
Et toujours, le grondement continu de l'autoroute en fond sonore…
La sortie était à dénicher au fond d’un jardin,
une petite porte ouvrant sur un parking, l'autre côté du
miroir.
Le 7 juillet, « Théâtre à saisir »
au théâtre Le Rio.
Nous avions « drainé » le public du centre à
la périphérie, la soirée au théâtre
devait être une représentation de cette périphérie
au centre, précédée d'une migration : transport (à
pieds) de quelques-uns des objets que nous utilisions dans nos installations.
Ce « déménagement » a duré une bonne
partie de la journée du 7 juillet, avec pique-nique sur la place
St-Bruno, pause dans un café, et discussions informelles avec les
passants ; nous sommes arrivés au théâtre vers 17h.
À 20 h 30, la « représentation » commençait
par une diffusion de sons et d’images documentaires, réalisés
durant les 20 jours précédents et mixés en direct.
Un conférencier expliquait ensuite au public notre incapacité
à transporter dans ce théâtre « un décor
si fragile » : la friche, la ville ! Après un vrai faux débat
– une proposition sur le fil et ambiguë – sur le thème
de l'utilisation des espaces en friches, toutes les portes du théâtre
s’ouvraient (porte principale, issue de secours, porte donnant sur
la scène…) appelant à une circulation entre l’extérieur
et l’intérieur ; et les gens retrouvaient nos coins-salons,
sur les trottoirs autour du théâtre. Notre envie était
d'utiliser le théâtre comme une Agora, mais peut-il y avoir
un débat sans contradicteur ? Le lendemain, quelques personnes
sont venues nous voir sur la friche où il n'y avait plus rien d'autre
que le lieu à découvrir, la friche avait pris un air de
vacances.
Avec : Le Théâtre du Chuchotement : Cécile Léonardi,
Fred Pailler, Fred Labrosse, Pierre Grosdemouge et Minou Wozniak, 3e sous-sol
: Éric Helman, Gérald Touillon et Dimitri de Baisieux, Friche(s)
à l'œuvre : François Deck, Catherine Sicot, Florian
Golay et Olivier Baudry, les associations : la Barak, le Brise glace et
Mandrak, et : Bariza Benmehenni, Corinne Pontier, Emmanuelle Leperlier,
Étienne Leroux, Evelyne Lonchampt, Fabienne Scudler, Gilles Guégan,
Julia Boix-Vives, Julie Faivre, Ludovic Borel, Mathieu Demouzon, Moricette
Xia, Shan Guillard et Tomas Bozzato.
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